La quatrième édition de 1942, Convoi n°8 est augmentée d’un autre témoignage de Lazar Moscovici sur sa rencontre, à l’infirmerie d’Auschwitz, avec le poète et cinéaste roumain Benjamin Fondane, qui devait mourir dans les crématoires de Birkenau le 3 ou 4 octobre 1944.
Le Mémorial de la Shoah a rendu hommage à Benjamin Fondane en 2010 lors d’une grande exposition sur sa vie et son oeuvre.
Voici un extrait du témoignage de Lazar Moscovici, écrit en France le 22 juin 1945, soit un mois après son retour d’Auschwitz-Birkenau :
Je réussis à garder Fondane quelques semaines sans trop d’incidents. Il commençait à aller mieux, à prendre du poids, et je pensais pouvoir lui procurer quelque occupation moins pénible à l’infirmerie, reculer sa sortie en commando, qui équivalait à une condamnation à mort. Je me rappelle encore ces soirées émouvantes, quand il nous récitait des fragments de son poème Ulysse, commencé à Paris, et qui devait être l’élégie du peuple juif et symboliser son propre sort. Avec quelle tendresse nous parlait-il de sa femme Geneviève, de sa vie à Paris, de ses livres, de ses peintures, de ce cadre où l’on devinait une atmosphère de chaleur et d’entente, de fraternité et d’humanité. Cela ne devait pas durer. Le Moloch réclamait ses victimes.
(…)
Je revois encore, dans cette journée étouffante d’été polonais, défiler, torse nu, tous ces malheureux demi-cadavres, implorant la pitié de leur regard désespéré. J’ai toujours devant les yeux le visage d’apôtre de Fondane, ce regard résigné, fier et souriant, qui cherchait le mien pour m’adresser son adieu. Était-ce un reproche ?